Sociétés commerciales : Dirigeants, organisez le droit de communication permanente de vos associés !

Ou comment éviter qu’un droit puisse être utilisé à mauvais escient.
Dans une société familiale, il est fréquent que les assemblées générales se tiennent sur le papier (ne le répétez pas !) et que le droit à l’information des associés minoritaires soit le cadet des soucis du dirigeant.

Mais toute société, fut-elle une quasi réunion de famille, est appelée à grandir et pourquoi pas à accueillir des associés ou actionnaires n’ayant plus aucun lien de sang avec les fondateurs.

Il est prudent, dans cette perspective, d’organiser le droit dit de communication permanente des actionnaires ou associés afin d’éviter d’en faire un possible sujet de discorde.

Dans les SARL, ce droit est prévu par l’article R.223-15 du code de commerce (al. 1) ainsi rédigé :

Tout associé a le droit, à toute époque, de prendre par lui-même connaissance des documents suivants au siège social : bilans, comptes de résultats, annexes, inventaires, rapports soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées concernant les trois derniers exercices. Sauf en ce qui concerne l’inventaire, le droit de prendre connaissance emporte celui de prendre copie.

(Pour les SA, voir les articles L.225-117 et L.228-118 du code de commerce).

Est-ce à dire que n’importe quel associé peut se présenter n’importe quand au siège de la société et frapper à la porte pour réclamer communication de ces documents ?

On imagine ainsi un associé minoritaire mécontent venir réclamer de consulter chaque jour de 8h à 21h, week-end compris, les documents auxquels il a droit, désorganisant ainsi l’activité de l’entreprise.

Fort heureusement, des limites peuvent être posées.

En effet, il a été jugé que la société doit préciser à l’associé qui en fait la demande les modalités concrètes de consultation (CA Paris, 30 mai 2000 n°1999-3841). Pour le dire autrement, toute société a le droit d’organiser le droit de communication permanente de l’associé et de fixer des règles en la matière.

Cela a été admis par les juges pour les société anonymes (CA Paris, 13 octobre 2006, n°06-5281).

La Cour d’appel de Paris, manifestement en pointe sur ce sujet, vient de transposer ce principe aux sociétés à responsabilité limitée, en affirmant que le droit de communication n’est pas méconnu lorsque la société l’organise et pose le principe d’une prise de rendez-vous préalable (CA Paris, 15 décembre 2016, n°15-24772).

Relevons que la Cour indique que ces modalités étaient d’autant plus justifiées que le contexte était conflictuel. Ce faisant, la Cour affirme clairement selon moi que le droit de communication ne saurait être utilisé pour gêner la société ou ses dirigeants.

Mon conseil en conséquence : prévoir dans les statuts (ou bien dans un pacte d’associés ou le règlement intérieur) les modalités pratiques et précises organisant le droit de communication : lieu, jours et heures où la consultation est possible (on pourrait envisager de limiter la consultation à certains jours dans la semaine), principe de prise d’un rendez-vous préalable (par ex : 5 jours ouvrables à l’avance), durée de la consultation (la limiter aux horaires d’ouverture du siège), modalités des prise de copies, limite du nombre de jours de consultation sur place (qui me semble possible puisque l’associé peut emporter des copies, sauf de l’inventaire).

Poser par écrit ces quelques principes simples et clairs évitera, en cas de tension, que le droit de communication soit instrumentalisé par les uns ou les autres au préjudice de la société et de ses dirigeants.

Ludovic Landivaux


Références :