La difficulté de la preuve judiciaire de la maltraitance

Article rédigé par Me Ourida Derrouiche et Me Laura d’Ovidio, respectivement avocate directrice du pôle Droit social et avocate du pôle Droit social, cabinet Claisse & Associés. Extrait de la Gazette Santé-Social – Mars 2020  :

L’impératif de bientraitance ne doit pas s’arrêter aux portes de la chambre d’un Ehpad, espace privatif du résident et lieu de travail du salarié. Dans ce huis clos, l’employeur doit s’interroger sur les moyens d’accéder à ce sanctuaire – sans le violer – afin de protéger son résident. En juillet dernier, la condamnation d’un aide-soignant à trois ans d’emprisonnement ferme, pour des faits de maltraitance, interroge sur la difficulté que l’employeur rencontre pour connaître et prouver de tels faits. Définir, connaître, punir, prouver : tel est l’enjeu d’un établissement médico-social face à la maltraitance.

La maltraitance sur personne vulnérable n’est pas définie, en tant que telle, en droit français. C’est une notion complexe qui peut être appréhendée suivant les approches, relativement anciennes, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation mondiale de la santé : il s’agit d’un acte, unique ou répété, ou d’une omission, volontaire ou involontaire, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime. L’institution médico-sociale, tenue d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard des résidents qu’elle accueille, définit la maltraitance (généralement dans une charte ou un règlement intérieur) afin de mieux l’identifier et la combattre. La tâche n’est pas simple pour un phénomène aux mille visages (gestes brusques, résident laissé sans pantalon, privation de radio et retrait d’une sonnette, absence de changes…).

Connaître

Il est rare que la maltraitance soit publique. La difficulté première, pour l’institution, sera d’avoir connaissance des faits de maltraitance. Elle devra surmonter deux obstacles :

  • le premier, c’est l’accès difficile à la chambre
  • d’Ehpad, qui revêt une double qualification, espace privatif du résident et lieu de travail du soignant (potentiellement maltraitant)
  • le second, c’est la vulnérabilité du résident, qui induit une présomption de gravité de

    maltraitance en même temps qu’elle érode la force probante de son témoignage : quel crédit porter à la parole d’une personne vulnérable ?

    L’institution médico-légale s’efforce de déployer des outils pour accéder à cette maltraitance qui se veut discrète (le travail en binôme, transmissions, écoute par des professionnels).

Lire le suite ->