Selon l’entreprise Facebook 1,79 milliard d’habitants du monde seraient des utilisateurs actifs de ce réseau social.
Si l’on dit parfois le réseau créé par Mark Zuckerberg en (relative) perte de vitesse, il reste tout de même encore loin devant ses concurrents Qzone (le réseau chinois avec 653 millions d’utilisateurs), Tumblr (555 millions), Instagram (500 millions) ou encore Twitter (317 millions). Voir les chiffres ici.
Chacun sait que le principe de ces réseaux et de diffuser des publications, informations, news, photos, billets d’humeur, comptes rendus d’exploits divers etc, potentiellement accessibles à tous les utilisateurs et de développer son propre cercle d’amis, de followers ou d’abonnés.
On sait également, que parmi ces « amis » numériques se trouvent d’anciennes connaissances retrouvées sur la toile puis immédiatement reperdues, de vrais proches, des moins proches, mais aussi de parfaits inconnus, adoubés au hasard de tel ou tel post ou supposées affinités.
Mais attention à bien choisir vos amitiés car elles pourraient vous coûter !
Ainsi, dans une récente affaire de prise illégale d’intérêts (article 432-12 du code pénal) « la désignation de M. Sylvain Y… [nldr : le dirigeant de l’entreprise attributaire du marché irrégulier] en qualité d’ami sur le compte Facebook ouvert par M. X… » a été retenue comme l’un des éléments de preuve du délit à l’encontre de M. X…, collaborateur du cabinet du maire (décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 janvier 2016).
Bilan : un an d’emprisonnement avec sursis et 10.000 euros d’amende pour M. X…
Certes, rassurons-nous, cette amitié « facebookienne » n’était pas la seule raison de la condamnation de M. X…
Mais quand même, son utilisation par le juge pénal pour motiver sa décision devrait inviter chacun à choisir ses « amis » avec une certaine prudence.
Même si, me direz-vous à juste titre, l’on n’a rien à craindre de ses amitiés lorsque l’on n’a rien à se reprocher.
Les frimas du mois de janvier inspirent manifestement nos juges lorsqu’il s’agit d’amitié (ou peut-être est-ce la récente joie de Noël ?), car à la faveur d’un arrêt du 5 janvier 2017, la Cour de cassation est revenue sur le sujet pour indiquer qu’il y avait « ami et ami ».
L’un de mes confrères, faisant l’objet de poursuites disciplinaires à l’initiative du bâtonnier, a en effet mis en cause l’impartialité de certains membres de la formation de jugement du conseil de l’Ordre des avocats au motif qu’ils étaient « amis » sur les réseaux sociaux avec le bâtonnier.
L’avocat mis en cause soutenait ainsi que cette proximité entre le bâtonnier, autorité de poursuite, et les membres du conseil appelés à le juger était incompatible avec leur impartialité et devait conduire à la récusation des juges « amis » du bâtonnier.
On rappelle qu’en la matière l’apparence de partialité du juge peut suffire à sa récusation pour peu qu’elle soit justifiée, soit objectivement (ex : le juge a connu du dossier au stade de son instruction), soit subjectivement (ex : le juge est ami avec une partie). Voir ici sur l’impartialité du juge.
Mais la Cour de cassation a estimé que le fait d’être « amis » sur les réseaux sociaux (la cour n’a pas dit lesquels) ne suffisait pas à caractériser une proximité réelle.
Plus précisément, elle a jugé que « le terme d’« ami » employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme et que l’existence de contacts entre ces différentes personnes par l’intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession ». Voir la décision ici.
Faut-il en déduire que l’on n’a plus rien à craindre de ses amis sur Facebook ?
Je ne le crois pas pour au moins deux raisons.
D’abord, la Haute Juridiction a pris le soin de préciser que c’était « dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la pertinence des causes de récusation alléguées » que la cour d’appel avait pu estimer qu’un ami de réseau social n’est pas un ami de la « vraie vie ».
En clair, cela signifie que la Cour d’appel a dû vérifier qu’il n’existait pas d’autres indices permettant de douter de l’impartialité des juges et, une fois ce travail réalisé, elle a pu rejeter la requête en récusation.
Ensuite, c’est la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui s’est ici prononcée pour apprécier si certains membres d’une formation de jugement étaient ou non suffisamment impartiaux pour y siéger.
Cela ne remet nullement en cause selon moi la possibilité pour le juge, notamment pénal, d’estimer en présence d’autres éléments, qu’une amitié numérique ou des liens sur les réseaux sociaux sont révélateurs d’une proximité véritable dans le monde réel.
En conséquence, mon conseil : sur les réseaux sociaux, comme dans la vie, on n’est pas obligé d’être ami avec tout le monde !