Extrait de Techniques Hospitalières – Novembre – Décembre 2019 – N°779
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins a amorcé une évolution importante du droit positif en introduisant plusieurs mécanismes renforçant les droits du patient. Le législateur a ainsi entendu faciliter la réparation des préjudices subis par la victime, même en l’absence de faute, pour tout accident médical d’une certaine gravité, tout en préservant à tout moment sa possibilité de faire valoir ses droits devant la juridiction compétente. Depuis leur entrée en vigueur, ces dispositions textuelles, introduites dans le Code de la santé publique ont fait l’objet d’une interprétation constructive par le juge administratif, et permettent de renforcer la garantie des droits du patient sans pour autant ignorer les contraintes organisationnelles des établissements de santé. Retour sur quelques évolutions récentes.
L’accident médical indemnisable, une notion entendue largement
Le Code de la santé publique a consacré depuis 2002 un dispositif dérogatoire au droit commun de la responsabilité administrative qui vient renforcer la protection de la victime d’un accident médical. L’article L 1142-1, II du Code de la santé publique prévoit ainsi qu’un accident médical, au même titre qu’une affection iatrogène ou une infection nosocomiale :
« ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales ».
Concrètement, ce régime dérogatoire permet l’indemnisation de l’accident médical:
- soit lorsque les conséquences pour le patient sont notamment plus graves que celles auxquelles il aurait été exposé en l’absence de traitement;
- soit lorsque, les conséquences ne sont pas anormales au regard de la situation qu’aurait connue le patient en l’absence de traitement, mais que la probabilité de survenance d’une telle complication est faible.
À titre d’illustration, le Conseil d’État, dans un arrêt récent, est venu préciser que doit être considérée comme faible, et par voie de conséquence comme indemnisable au titre de l’accident médical, la probabilité de 3 % de risque d’un accident vasculaire cérébral (AVC) lors du remplacement d’un défibrillateur chez un patient en fibrillation auriculaire non anticoagulé.
Ce dispositif spécifique d’indemnisation s’applique aux dommages :
- dont le degré de gravité est supérieur au seuil fixé à l’article D1142-1 du Code de la santé publique, soit 24 %;
- lorsque la date de l’acte médical en cause est postérieure au 5 septembre
L’article D1142-1 du Code de la santé publique prévoit en outre qu’à titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale;
2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.
Cette conception pour le moins extensive de l’accident médical a donc pour conséquence, en la faisant entrer dans le champ de ce dispositif dérogatoire, de faciliter l’accès des patients victimes d’un accident médical et à leur famille à une indemnisation en simplifiant à la fois les règles de preuve et la procédure à suivre.