La Cour de Cassation a rendu une intéressante décision au début de l’été en précisant la notion de faute grave reprochée à un directeur général de société anonyme (Cass. com., 5 juill. 2016, n°14-23904).
Le directeur, éconduit, prétendait en effet au paiement d’une compensation financière puisque son contrat de mandat social prévoyait une indemnité de révocation tout en précisant qu’elle ne serait pas due en cas de révocation pour faute grave entendue au sens retenu par la jurisprudence sociale.
Mais voilà que la société (Europcar) et ses actionnaires ne l’entendaient pas ainsi, estimant que leur directeur avait non seulement commis des fautes, mais qui plus est des fautes graves, dans l’exercice de son mandat.
Lesquelles ?
On lui reprochait des propos tenus lors de réunions avec les cadres du groupe traduisant ses doutes profonds sur les perspectives du groupe, la viabilité de son modèle économique et son mode de financement.
La société et les actionnaires critiquaient aussi le mandataire pour avoir communiqué directement avec des investisseurs potentiels, en créant un antagonisme entre la société et son principal actionnaire susceptible de mettre en danger le projet de refinancement.
Lisant cela, on pourrait penser que le directeur ne faisait en réalité que faire état d’une situation qu’il constatait ou, à tout le moins, de sa propre analyse managériale.
Pour le dire autrement, le patron n’a-t-il pas le droit de tenir le discours qui lui semble approprié sur la société qu’il dirige même si ce discours est pessimiste ?
Et ne peut-il agir dans le sens de ce qu’il juge être l’intérêt de la société, même si les actionnaires ont un avis différent ?
La réponse est non. Heureusement, ai-je envie d’ajouter immédiatement.
En effet, si une société est évidemment une personne (morale) autonome qui a son intérêt propre, notre droit préserve (encore) les prérogatives et pouvoirs de ceux qui en sont les vrais maîtres : ses actionnaires.
Dès lors, le patron actionnaire majoritaire tiendra bien le discours qu’il veut.
Mais le manager recruté sous contrat de mandat doit respecter certains principes et en particulier celui de loyauté, bien connu dans la jurisprudence des affaires.
Et la Cour de Cassation a été très claire, et pour tout dire sévère : les états d’âmes et propos de notre directeur ont nui à l’intérêt social et sont constitutifs d’actes déloyaux, contraires aux intérêts communs de la société et de l’actionnaire.
Il en résulte que le directeur a bien commis une faute grave et pouvait être remercié sans indemnité.
Relevons que c’est la Chambre commerciale de notre Haute Juridiction qui s’est prononcée dans cette affaire, compte tenu de la qualité de mandataire social du directeur.
Il sera utile de surveiller, si pour des directeurs ou cadres salariés cette fois, la Chambre sociale de la Cour de Cassation reprendra les principes posés par sa voisine commercialiste.